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LFSS 2023 : nouveau mécanisme de remises obligatoires pour les demandes de remboursement à périmètre restreint


Rédigé par Me Ghislaine ISSENHUTH et Me Olivier SAMYN le Lundi 27 Mars 2023 à 10:50 | Lu 1134 fois


Chaque année, l’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) suscite attentes et craintes. La LFSS 2023 ne fait pas exception à la règle et a créé beaucoup de remous au moment de son élaboration, notamment en raison du montant de la Clause de sauvegarde retenue ou encore de la procédure de référencement finalement abandonnée, mais également au regard de ses modalités d’adoption : le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) a fait l’objet de peu de consultation des acteurs en amont de son élaboration, et son adoption a été émaillée du recours à l’article 49-3 à cinq reprises, rendant de fait difficile tout dialogue quant à son contenu.



Deux articles concernent tout particulièrement les laboratoires pharmaceutiques : l’article 54 relatif aux médicaments, et l’article 58 relatif aux dispositifs médicaux. En effet, la LFSS 2023 confirme un mouvement déjà engagé, et consistant à rapprocher le régime applicable aux dispositifs médicaux de celui des médicaments. De nombreuses mesures sont à cet égard intéressantes, comme la différence de tarification entre le dispositif médical et sa prestation associée, ou encore l’obligation pour l’exploitant non-fabricant de déclarer le prix d’achat du dispositif médical – ces mesures devant entrer en vigueur au plus tard le 31 décembre 2025.

Sur le volet des médicaments, le changement de paradigme de la prise en charge des thérapies innovantes, désormais basée sur un système de « voir pour payer » et non plus de « payer pour voir », va devoir être suivi avec attention tant le mécanisme de la fragmentation du paiement lié à la performance du produit que les modalités de recueil des données de vie réelle, apparaissent complexes et délicats. L’accélération de la procédure de l’accès précoce – les médicaments ne devant plus faire l’objet d’un avis de l’ANSM dès lors que le CHMP, le comité européen pour l’évaluation des médicaments à usage humain, a émis un avis favorable –, doit néanmoins être saluée.
 

Le nouveau mécanisme de remises obligatoires

Une mesure mérite d’être analysée de manière approfondie. L’article L.162-18-2 du Code de la sécurité sociale crée en effet un nouveau système de remises unilatérales obligatoires pour les spécialités pharmaceutiques inscrites sur un périmètre restreint :
« Lorsqu'une spécialité pharmaceutique est, à la demande expresse de l'entreprise assurant son exploitation, son importation parallèle ou sa distribution parallèle, inscrite sur l'une des listes prévues aux articles L. 162-17, L. 162-22-7 ou L. 162-23-6 pour un périmètre d'indications thérapeutiques plus restreint que celui dans lequel cette spécialité pharmaceutique présente un service médical rendu suffisant, l'entreprise verse des remises sur le chiffre d'affaires hors taxes, au titre de cette spécialité et de la période considérée. Ces remises sont dues jusqu'à ce que cette entreprise demande la prise en charge de cette spécialité pour l'ensemble des indications concernées.

Le Comité économique des produits de santé détermine le montant des remises en appliquant au chiffre d'affaires défini au premier alinéa du présent article un taux, défini selon un barème fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale en fonction de la taille respective de chacune des populations cibles des indications pour lesquelles l'inscription n'a pas été demandée et de celles pour lesquelles la spécialité est inscrite, évaluées à cette fin par la commission mentionnée à l'article L. 5123-3 du code de la santé publique ou, à défaut, selon un barème progressif, par tranche de chiffre d'affaires, défini par ce même arrêté. »
Cette mesure majeure emporte des répercussions financières affectant les stratégies d’accès au marché des laboratoires.
 

Un mécanisme régulateur aux contours imprécis

Les remises obligatoires sont applicables dès lors que l’entreprise demande une inscription de sa spécialité « pour un périmètre d'indications thérapeutiques plus restreint que celui dans lequel cette spécialité pharmaceutique présente un service médical rendu suffisant ».  Or que signifie la notion de « périmètre restreint » ? Doit-elle être lue au regard de l’indication de l’AMM, de la demande d’évaluation faite auprès de la Commission de transparence de la HAS, ou est-ce applicable à une sous-population cible ?

Il ressort des travaux parlementaires des deux chambres que ces derniers avaient une acception large de cette notion, puisque le référentiel était bien l’AMM. On voit poindre une divergence d’intérêts, les parlementaires souhaitant que la spécialité soit remboursée sur l’intégralité de son AMM afin que les patients ne souffrent pas d’une perte de chance*, quand les industriels ont dans certaines hypothèses, le souhait de restreindre le périmètre de leur demande d’inscription sur la liste au regard de données plus solides dont ils peuvent disposer dans une indication donnée ou dans une sous population identifiée.

L’imprécision de ce mécanisme interroge également sur la position qui sera adoptée par la Commission de transparence de la HAS. En effet, si le laboratoire détermine le périmètre de sa demande de remboursement, la Commission pourrait adopter une attitude extensive afin de soutenir le mécanisme économique nouvellement créé par la LFSS 2023 et évaluer la spécialité dans l’ensemble de ses indications et pas uniquement dans le périmètre défini par l’industriel.
Un tel mécanisme pourrait donc s’avérer contre-productif car perçu comme étant dissuasif de former une demande d’inscription sur la liste.

Quid de l’application dans le temps de ce mécanisme ?

Deux situations doivent être distinguées. En premier lieu, pour les spécialités qui ne sont pas encore inscrites au remboursement, cette mesure entre en vigueur le lendemain de la publication de la loi, soit le 25 décembre 2022. On peut toutefois s’interroger quant à l’immédiateté de cette application, dans la mesure où l’alinéa 2 de l’article L.162-18-2 du Code de la sécurité sociale précise :
« Le Comité économique des produits de santé détermine le montant des remises en appliquant au chiffre d'affaires défini au premier alinéa du présent article un taux, défini selon un barème fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale en fonction de la taille respective de chacune des populations cibles des indications pour lesquelles l'inscription n'a pas été demandée et de celles pour lesquelles la spécialité est inscrite […] ».
Aussi, l’adoption de l’arrêté susvisé semble indispensable à l’application de cette nouvelle mesure, cette dernière n’étant pas lisible en dehors de son texte d’application. En l’absence d’adoption de cet arrêté, les remises obligatoires n’apparaissent pas en l’état applicables.

Concernant les spécialités déjà inscrites sur une liste de remboursement au 24 décembre 2022, les laboratoires ont jusqu’au 1er janvier 2024 pour régulariser leur situation et demander un remboursement de leur spécialité étendu et non restreint, à défaut de devoir verser des remises. Ce mécanisme interroge tant dans ses modalités d’application (comment ces remises vont-elles être calculées ?) qu’au regard de sa légalité. En effet, l’industriel a, lors de sa demande de remboursement initiale, déterminé une stratégie au regard de la règlementation applicable. Or, la nouvelle règlementation vient mettre à mal cette stratégie et peut le contraindre à devoir demander le remboursement de la spécialité sur l’ensemble des indications, avec un impact économique indéterminé. Cette disposition apparaît donc comme étant attentatoire aux situations légalement acquises ou encore comme heurtant la liberté d’entreprendre. Un contentieux nourri pourrait donc naître de l’application de ce nouveau mécanisme.
 

En conclusion

Le 25 janvier 2023, Matignon a lancé une mission interministérielle consacrée aux mécanismes de régulation et de financement des produits de santé. Les recommandations des six experts désignés sont attendues d’ici cet été et seront l’occasion de faire un point sur les évolutions à attendre pour la LFSS 2024.

* D’après la Commission des affaire sociales de l’Assemblée nationale, les exploitants « ne demandent l’inscription au remboursement de leur spécialité que pour la ou les indications pour lesquelles le service médical rendu (SMR) est le plus important, à l’exclusion des autres indications. […] Cela conduit le CEPS à accorder un prix plus élevé que si l’inscription au remboursement avait été demandée pour l’ensemble des indications entrant dans le champ de l’AMM ». L’étude d’impact gouvernementale retenait que cette situation était préjudiciable car conduisant à restreindre « artificiellement les publics susceptibles de bénéficier du traitement, tout en majorant le prix du médicament pour la collectivité ».


Article publié dans l'édition de février 2023 d'Hospitalia à lire ici.
 






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